Dans l’Astronomie de mai, nous annonçons l’arrivée d’une comète prometteuse, que nous espérions observable à l’œil nu fin mai, avec la prudence de mise pour ce type d’objet. Hélas, la visiteuse a disparu.
Nicolas Biver, astrophysicien au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique de l’Observatoire de Paris, nous explique les raisons de cette désintégration.


Promise comme étant la prochaine comète visible à l’œil nu, C/2019 Y4 (ATLAS) est en train de disparaître de notre ciel. Après une montée – trop – rapide en éclat jusqu’à la mi-mars, sa luminosité a stagné vers la magnitude 8-8,5 puis décroît depuis le début avril, plus d’un mois et demi avant son périhélie fin mai (voir la figure ci-dessous).

Évolution de la magnitude globale m1 de C/2019 Y4 (ATLAS).

Qu’est-il arrivé à la comète Atlas ?
Les images des amateurs comme du télescope spatial Hubble (20 avril, ATEL#13651) montrent depuis le 7 avril plusieurs condensations dans la chevelure, autant de fragments du noyau qui se sont dispersés ces dernières semaines. Leur durée de vie ne dépasse guère quelques semaines, et en parallèle le relevé des positions astrométrique a montré qu’ils subissent une forte accélération en direction opposée du Soleil du fait de leur dégazage et donc de leur très faible masse. Le paramètre A1 des accélérations non gravitationnelles qui est nécessaire pour ajuster une trajectoire sur la comète (Réf. CBET4744, Nk4089, MPEC 2020-H28) est très élevé : 26 à 67 (x10-8 UA/j2), typiquement 100 fois plus élevé que celui utilisé pour les comètes périodiques. Ce paramètre qualifie la force en direction anti-solaire subie par la comète.

Quatre fragments majeurs de la comète C/2019 Y4 (ATLAS) désignés A à D en utilisant des observations au sol jusqu’au 18 avril 2020. L’observation avec le télescope spatial Hubble le 20 avril a montré seulement deux fragments majeurs restants, probablement A et B, chacun consistant en un à deux composants plus brillants et quelques autres plus faibles, situés à quatre secondes d’arc l’un de l’autre le long de leur orbite commune. Les fragments C et D semblent avoir été réduits en une poignée de fragments plus faibles. Au moment de l’observation, la comète se trouvait à 1,10 UA (unités astronomiques) du Soleil et à 0,98 UA de la Terre.


Il ne fait plus aucun doute que le noyau de la comète s’est désintégré, probablement du fait de sa sur-activité à l’approche du Soleil. Depuis fin février, le noyau devait relâcher une grande quantité de débris glacés qui décuplaient la surface exposée au soleil (comme pour 103P/Hartley 2 imagée par la sonde EPOXI en novembre 2010) et permettait un dégazage important dépassant les 600 kg/s fin mars. Mais cette activité a mené à la rupture du noyau et sa désintégration progressive en ce mois d’avril. D’autres facteurs sont possibles, comme la vitesse de rotation accélérant jusqu’à la rupture et la sublimation fort probable de molécules volatiles comme CO2 (ou CO) responsables de cette sur-activité. Au moment de faire un bilan, si on estime la masse perdue par la comète, il est probable que le noyau ne mesurait guère plus de 300 m de diamètre.
Actuellement vus comme un vague fuseau de magnitude ~10, les restes de la comète devraient continuer à se disperser, mais n’être visibles qu’aux gros instruments sous un bon ciel. On pourra peut-être se consoler fin mai avec la comète C/2020 F8 (SWAN) de magnitude ~4 dans le crépuscule du matin, si elle ne connaît elle-même pas le même sort que C/2019 Y4 !

Sélection d’images montrant la désintégration de la comète.

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Pour en savoir plus

Consultez la page de la Commision des comètes de la Société astronomique de France :
https://lesia.obspm.fr/comets/index.php

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