Dans l’Astronomie de septembre (imprimé à la mi-août), nous avons publié une brève en hommage à Jean Dragesco, qui a fêté ses 100 ans en avril 2010. Jean Dragesco, biologiste professionnel au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et astronome amateur, avait été un grand contributeur aux pages de l’Astronomie.
À la fin du mois d’août, nous avons eu la tristesse d’apprendre sa disparition. La rédaction adresse ses condoléances à sa famille et à ses proches. La Société astronomique de France a publié un communiqué sur son site.

Voici le texte écrit par Magda Stavinschi à l’occasion des cent ans de Jean Dragesco. Une version anglaise de cet article est également parue dans le Romanian Astronomical Journal.

En 2000, l’Union astronomique internationale a nommé l’astéroïde 12498, découvert le 26 mars 1998 à Causols dans le sud-est de la France, Jean Dragesco (Ion Drăgescu), en l’honneur du biologiste et astronome qui a eu 80 ans cette année-là.
Voici comment il a été présenté par Audouin Dollfus, président de la Société astronomique de France de 1979 à 1981 :

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Jean Dragesco, d’origine roumaine, est né en 1920. Il est un astronome amateur de grande classe, et aussi un biologiste de grande réputation.
Observateur des planètes et du soleil depuis soixante années, Jean Dragesco a présidé la Commission des surfaces planétaires de la Société astronomique de France pendant près de vingt ans. Possédant un observatoire privé bien équipé, il a fait de l’astrophotographie sa spécialité. Ses remarquables clichés d’objets du Système solaire, en haute résolution, ont inspiré de nombreux amateurs du monde entier.
Par ailleurs biologiste et, plus précisément protistologue, il est l’auteur de près de cent publications scientifiques et de plusieurs livres. Le dernier en date, qu’il vient de publier, est un important travail concernant les protozoaires.

Audouin Dollfus

Vingt ans se sont écoulés depuis. Le 27 avril, Jean Dragesco a eu 100 ans. Il est né à Cluj, ville située au nord-ouest de la Roumanie, ancienne capitale de la Principauté de Transylvanie. Passionné d’astronomie depuis son enfance, il faisait des observations et construit lui-même divers instruments. À 19 ans, il devient observateur « officiel » de Mars, en collaboration avec la Société astronomique de France. La même année, il fonde en Roumanie la première Société des jeunes astronomes et devient rédacteur en chef de la publication mensuelle Urania.
À 21 ans, il quitte la Roumanie pour s’installer en France. Son père, Ion Dragu, est diplômé en lettres et philosophie, écrivain et attaché de presse depuis 1909 à Genève, Athènes et Ankara. Il était le chef du service de presse, lorsqu’Eugène Ionesco était secrétaire de presse et de la culture de la délégation roumaine de Paris.

Jean Dragesco devient membre de la Société astronomique de France et observateur actif de la section Mars. Il est ainsi autorisé à observer à l’Observatoire de Paris. Il a immédiatement collaboré avec des astronomes amateurs passionnés et bien formés, dont certains futurs professionnels.
À l’âge de 22 ans, il découvre une nouvelle division de l’anneau B de Saturne, mais, malheureusement, la même structure a été vue quelques semaines plus tard par Bernard Lyot (l’inventeur du coronographe), il sera donc connu comme la division Lyot. Cela ne l’a pas empêché de rester ami avec l’astronome français jusqu’à la fin de sa vie en 1952.
À 26 ans, il a reçu le premier prix de la Société astronomique de France. Cependant, la même année, il décide d’interrompre ses préoccupations astronomiques, se consacrant entièrement à la recherche en protozoologie, en tant que biologiste professionnel au CNRS en France. En 1956, il a soutenu sa thèse de doctorat sur les cils protozoaires. Pendant des dizaines d’années il sera professeur d’optique, de photographie et de cinématographie dans le domaine de la recherche biologique.
Après sa thèse il a commencé un long voyage en Afrique. Il sera pendant un an photographe et opérateur d’une expédition scientifique française (premier long métrage sur les termites). Le soleil brûlant et les nuits cristallines de l’Afrique l’entraînent dans une nouvelle expédition, cette fois, seul. Pendant 9 mois, il étudie les protozoaires et filme les oiseaux et les mammifères.
En 1967, il reçoit le prix de l’Académie des sciences, l’un des nombreux qu’il recevra, pour sa contribution dans le domaine de la photographie et de la cinématographie biologique. Il est devenu cofondateur et vice-président de la Commission internationale permanente pour les films de recherche de l’Association internationale du film scientifique.
À 39 ans, il revient à son premier amour, l’astronomie, qu’il servira parallèlement à sa profession de base. Il effectue des observations chaque fois qu’il en a l’occasion et publie dans Sky and Telescope, l’Astronomie, Astronomy Magazine, Strolling Astronomer, J.B.B.A., Ciel et Espace, etc.
En 1960, il retourne en Afrique pour quelques mois. Il réalisera un film très populaire sur la vie des oiseaux en Mauritanie.
Le 15 février 1961, il a observé l’éclipse totale du Soleil à Menton (Alpes-Maritimes).
En 1962, il achète un nouveau télescope et parvient à réaliser les plus belles images de Mars qu’il n’ait jamais réalisées dans les forêts équatoriales du Gabon (Afrique centrale). Il commence une patrouille planétaire régulière, en coopération avec plusieurs groupes d’observation internationaux. Il devient secrétaire de la Commission planétaire française. Il obtient encore un prix de la Société astronomique de France.
De 1967 à 1972, il prend un poste de professeur de biologie animale à l’Université française de Yaoundé, Cameroun, Afrique de l’Ouest. Le 14 mai 1971, il photographie au Cameroun et publie la très rare occurrence de l’occultation de l’étoile β2 Scorpion par Io, un des satellites de Jupiter. De 1973 à 1976, il est professeur de zoologie et de biologie animale à l’Université de Clermont-Ferrand.
En 1973, il se rend à Turkana au Kenya pour filmer une nouvelle éclipse totale du Soleil.
En 1975, il remporte le prix le plus important offert par la Société astronomique de France – le prix des Dames.
L’année suivante, il retourne en Afrique en tant que professeur d’université de biologie animale à Cotonou (capitale du Bénin, Afrique de l’Ouest). En 1984, il s’installe à Butare (Rwanda, Afrique centrale), en tant que professeur de zoologie à l’Université nationale.
Deux ans plus tard, il part pour le nord du Botswana, en Afrique du Sud, pour photographier la comète de Halley. À l’automne 1988 (septembre-octobre), il observe au Texas en Arizona.
En 1995, événement extrêmement important dans sa carrière, Cambridge University Press publie son album de photographies astronomiques High Resolution Astrophotography, considéré comme l’un des plus impressionnants jamais réalisés. Certaines des photos publiées dans cet album peuvent être admirées à l’Observatoire de Bucarest de l’Institut astronomique de l’Académie roumaine.
Il a publié plus de 80 articles et livres sur l’astronomie et plus de 160 sur des sujets de protozoologie, d’oiseaux et de mammifères sauvages, de photographie, de cinématographie, de balistique, etc. C’est le corollaire de l’amour du ciel et de la terre pour l’astronome et biologiste centenaire Jean Dragesco.

Magda Stavinschi

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